Le gouvernement a présenté la semaine dernière son projet de loi sur la consommation qui, entre autres mesures, veut créer une indication géographique (IG) pour les produits manufacturés. Ce volet de la loi est est très largement inspiré par le cas du couteau de Laguiole.

Le gouvernement précédent avait déjà fait une tentative en 2011. Mais des lobbies industriels avaient fait échouer le projet d’indication géographique (IG) pour les produits manufacturés. « De grandes sociétés qui utilisent le terroir pour leur marketing mais qui font fabriquer en Asie », assène Thierry Moysset, le bouillant patron de la Forge de Laguiole. Jeudi dernier, en conseil des ministres, Benoit Hamon a présenté son projet de loi visant essentiellement à apporter des garanties nouvelles aux consommateurs, projet dont le chapitre 9 prévoit de nouveau la création de cette indication géographique garantissant l’origine d’un produit manufacturé, de la même manière que les IGP garantissent le lien au terroir des produits agroalimentaires. « Des pays du monde entier ont déjà leurs indications géographiques protégeant leurs produits manufacturés. Certains pays européens l’ont déjà fait, ce qui prouve que l’Europe n’est pas un frein. La France, en ce domaine, accuse un important retard », rappelle opportunément le coutelier de Laguiole.
Le projet
« Le projet de loi vise à étendre aux produits manufacturés les indications géographiques à l’instar de ce qui existe déjà pour les produits naturels, agricoles et viticoles, explique le gouvernement. Une indication géographique met en évidence un lieu ou une région de production précis qui détermine les qualités caractéristiques du produit originaire de ce lieu. La création d’indications géographiques renforcera non seulement l’information des consommateurs, mais constituera également un soutien important au développement économique local.
Les professionnels seront eux-mêmes à l’origine des demandes de création d’indications géographiques.
Ils devront établir ensemble un cahier des charges délimitant notamment l’aire géographique ainsi que les modalités de fabrication et de contrôle des produits. Les collectivités territoriales pourront leur apporter un soutien juridique et financier. Ce cahier des charges sera ensuite adressé à l’Institut national de la propriété intellectuelle (INPI), avec une demande d’enregistrement. L’INPI examinera le cahier des charges puis procédera à une enquête publique. Il s’assurera enfin de la compatibilité du dispositif avec le droit européen en notifiant la décision d’enregistrement de l’indication géographique à la Commission européenne et aux autres États membres. »
L’union fera la force
La loi, qui doit être soumise au Parlement mi-juin, n’aura pas d’effet rétroactif et n’interdira donc pas les couteaux de Laguiole fabriqués en Asie. De même qu’elle n’interdira pas à l’homme d’affaires parisien Gilbert Szajner de continuer à utiliser la marque Laguiole qu’il a déposée en 1993 pour le couteau, mais également pour de nombreux autres produits. « Il faut considérer cette loi du point de vue du consommateur, insiste Thierry Moysset. Quand quelqu’un achètera un couteau de Laguiole bénéficiant de l’indication géographique, il saura ce qu’il achète et d’où il vient, ce qui n’est pas le cas actuellement. Le consommateur pourra alors faire son achat en conscience. »
Véritable révolution culturelle sur l’Aubrac, six couteliers fabricants se disent d’ores et déjà prêts à constituer un syndicat professionnel afin d’élaborer le cahier des charges de l’IG couteau de Laguiole. « C’est une bonne nouvelle », sourit Thierry Moysset. Une deuxième bonne nouvelle pour le couteau de Laguiole.