Le palais épiscopal va se transformer en palais des délices. En tout bien tout honneur, bien sûr, puisque la demeure des évêques du Rouergue -depuis 1208- va devenir un hôtel cinq étoiles, avec restaurant gastronomique, piscine, spa et personnel polyglotte.
Et cela enlève une sacrée épine du pied du président du Conseil départemental (c’est lui-même qui emploie l’expression) car, depuis le départ de l’évêque pour l’avenue Victor-Hugo, la destination du palais épiscopal, qui appartient au département, posait quelques problèmes. Il avait ainsi été envisagé d’y transférer des services (notamment le comité départemental du tourisme) ou encore de l’ouvrir au public. Aucune des solutions avancées, toutefois, ne s’avérait satisfaisante, jusqu’à ce qu’arrive Mathias Echène avec son projet aussitôt qualifié par certains de pharaonique.
Il est vrai que le projet est ambitieux. Et qu’il a suscité quelque inquiétude chez les hôteliers-restaurateurs ruthénois. Mathias Echène, pourtant, n’arrive pas sans quelques arguments à même de rassurer tout le monde.
Une expérience dans l’hôtellerie du luxe à Hong Kong
Son parcours, tout d’abord, plaide en sa faveur. Agé de 45 ans, arrivé à Conques en 1976, et ayant suivi des études au collège Fabre à Rodez, il n’est pas parachuté par hasard dans un département avec pour seul viatique des finances visiblement à la hauteur et des idées toutes faites sur l’hôtellerie de luxe. Il est, de surcroit, le fils d’Agnès Echene, et le frère d’Eleonor, toutes deux bien connues dans le milieu culturel aveyronnais et au-delà. Pour ce qui est de ses connaissances en matière d’hôtellerie, Mathias Echène peut aussi mettre en avant son parcours professionnel. Après un tour du monde commencé en 1984, il intègrera Sciences-po Paris et une école d’ingénieur, il travaillera dans la finance internationale à Londres, puis partira pour Hong-Kong où il s’occupera de la conception, la mise en place et le fonctionnement d’hôtels cinq étoiles. Et ce, tout en revenant assez régulièrement « au pays », puisqu’il se mariera notamment à Aubrac en 2002.
Si tout n’a pas encore été totalement ficelé (les conseillers départementaux doivent d’ailleurs se prononcer sur le sujet, mais le président Jean-Claude Luche exclut toute mauvaise surprise), on sait déjà que le département devrait économiser chaque année la bagatelle de 56 000 euros, montant des impôts locaux du palais épiscopal. En ces temps de disette pour les collectivités locales, c’est toujours bon à prendre. Un bail emphytéotique sera signé, mais le montant du loyer reste encore à ajuster, et le montant des travaux, qui débuteront le premier octobre prochain, devrait tourner autour des cinq millions d’euros. L’ouverture d’un restaurant gastronomique- c’est-à-dire étoilé et des contacts ont déjà été pris avec des chefs aveyronnais-est prévue pour courant 2017, l’entité hôtelière, quant à elle, devant être à même de fonctionner au printemps 2018.
Pas de guerre des prix à la baisse
Mathias Echène tient aussi à rassurer les hôteliers-restaurateurs de l’agglomération ruthénoise : « Il n’y aura pas de guerre des prix à la baisse, ce qui, en cascade pourrait fragiliser tous les établissements. Le type d’établissement que je vais créer ne fait jamais de promotion. Ce serait le meilleur moyen de faire fuir sa clientèle qui recherche justement un niveau de prix allant de pair avec un niveau de services ».
Si le président du conseil départemental se déclare donc très satisfait de cette création, il en va de même pour Christian Teyssèdre. » Cela va tirer l’agglomération et le département vers le haut. C’est très complémentaire avec le musée Soulages, et Pierre Soulages lui-même, d’ailleurs, souhaitait depuis longtemps une telle création ».
Afin de bien montrer dans quelle logique va s’inscrire son établissement, Mathias Echène donne l’exemple d’un hôtel cinq étoiles à Cusco qui propose, afin de lutter contre les méfaits de l’altitude, des feuilles de coca à mâcher ou bien de l’air pur en bonbonne à respirer. Une subtile alliance propre au grand luxe, qui peut jouer tout à la fois sur la tradition et le modernisme. Et qui sait si, en racontant cette histoire, Mathias Echène ne souhaite pas que les autres hôteliers, dans quelque temps, ne remâchent plus leur inquiétude et perçoivent plutôt cela comme un ballon d’oxygène…
Quelques données
– L’hôtel devrait compter entre 25 et 35 chambres.
– Un musée des arts religieux sera créé (ouvert au public), ce qui correspondait à un souhait de l’évêque.
– On trouvera aussi un centre de remise en forme et une boutique ou seront proposés des produits aveyronnais.
– Le parc sera mis en valeur, et une partie sera ouverte au public.
– 40 à 50 emplois devraient être créés.
– L’hôtel conservera le nom de palais épiscopal, tout en ajoutant un autre nom au dessous.
– Le Grand Rodez compte 26 établissements hôteliers, représentant 794 chambres. Il y a deux hôtels une étoile, cinq hôtels deux étoiles, onze hôtels trois étoiles, six établissements qui sont non classés et deux quatre étoiles (la ferme de Bourran et le Mercure Rodez Cathédrale)
Catherine Painvin, directrice artistique
La fondatrice du groupe Tartine et chocolat, créatrice du comptoir d’Aubrac il y a quelques années, sera la directrice artistique de la société en charge du projet épiscopal.
On sait que Catherine Painvin était aussi intéressé par le complexe Royal Aubrac. Avec Mathias Echène elle a d’ailleurs voulu reprendre cette entité il y a quelques années, mais le repreneur actuel qui, pour l’instant, laisse les choses en l’état après avoir entrepris de gros travaux, n’a pas souhaité vendre…
Hugues MENATORY