En rachetant la librairie Privat, Benoît Bougerol a sauvé un monument culturel de Toulouse. Mais pour le propriétaire de la Maison du Livre de Rodez, ce n’est que le commencement d’un défi consistant à redresser une maison qui perdait 200 000 euros par an.
Il faut avoir une foi de charbonnier pour racheter une librairie quand, partout autour, il ne se passe un seul mois qu’un libraire indépendant ne mette la clé sous la porte. Benoît Bougerol a cette foi. Elle est nourrie de souvenirs d’enfance (son père a dirigé la librairie Jouaneau, rue des Arts) et de beaucoup de volonté. « Nous croyons tous au livre et à la librairie indépendante, que ce soit le Centre national du Livre, l’Association pour la librairie de création, les éditeurs ou moi-même, c’est pour cela que nous avons accepté de nous lancer dans ce pari raisonné », assure le libraire, qui, pour ce faire, a spécialement créé une société filiale de sa holding personnelle et convaincu des partenaires de contribuer au plan de financement.
Réouverte depuis le 4 octobre, la librairie Privat, rue des Arts, a d’ores et déjà bénéficié de près de 150 000 euros d’investissement pour la refonte de son système informatique, sa logistique, son logo (créé par Olivier Douzou qui, vingt ans auparavant, avait déjà réalisé celui de la Maison du Livre) et son stock. « La librairie ne comptait que des livres de moins d’un an, elle ne pouvait répondre aux attentes des clients », a constaté Benoît Bougerol. Dans les prochaines semaines, le travail sera plus visible, avec le relookage du magasin, de ses enseignes et la création d’un site internet.
Le métier de libraire
Pour le libraire indépendant, la situation dans laquelle s’est enfoncée l’établissement de la rue des Arts est concomitante avec son entrée dans le groupe Actissia, son ancien propriétaire. « Les pertes ont commencé en 2010 avec la centralisation des achats des 57 librairies du réseau Chapitre », analyse Benoît Bougerol. Dès lors, les charges se sont mises à augmenter alors que le chiffre d’affaires se réduisait jusqu’à -30%. « Sur 200 000 euros de pertes, deux tiers étaient dus à des surfacturations internes au groupe et totalement injustifiées. Le système informatique coûtait une fortune à la librairie. » Quant à l’érosion du chiffre d’affaire, elle ne découlait pas seulement du contexte économique mais aussi, selon le libraire ruthénois, de dysfonctionnements, de retards de livraison et de la démotivation de l’équipe. En redonnant de l’autonomie à la librairie et en lui rendant « son métier de libraire qui fait du conseil », Benoît Bougerol espère regagner le cœur des clients. Son objectif : atteindre 4 millions de chiffre d’affaires (contre 2,4 millions aujourd’hui), soit la moitié de celui d’Ombres Blanches, l’autre grande librairie toulousaine. Il se donne deux ans pour y parvenir, avec l’aide de sa fille Anne, libraire à Rouen, qui vient prendre la co-direction de Privat. Benoît Bougerol garde les seize salariés de Privat et de son annexe, la librairie des sciences, rue Gambetta, dont il compte à terme, se débarrasser des murs.
Le nouveau défi toulousain de Benoît Bougerol ne devrait en rien altérer la vie de la Maison du Livre de Rodez, qui reste la deuxième librairie de Midi-Pyrénées. Seul changement pour l’heure : un poste supplémentaire de comptable vient d’y être créé.