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6 mai 2015

Carole Delga : « Je souhaite une indication géographique du couteau à Laguiole »

Inspirée par le couteau de Laguiole, la loi instaurant des indications géographiques (IG) protégées pour les produits manufacturés a été votée il y a plus d’un an. Les textes d’application devraient être publiés dans les prochaines semaines. Entretien avec Carole Delga, secrétaire d’Etat au Commerce, à l’Artisanat, à la Consommation et à l’Economie sociale et solidaire.

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La loi créant les Indications géographiques pour les produits manufacturés a été votée en mars 2014. Une date est-elle arrêtée pour la publication des décrets d’application ?

J’ai reçu la semaine dernière les représentants de certaines futures Indications Géographiques ; les textes sont prêts à être publiés et les services concernés sont mobilisés pour traiter les premiers cahiers des charges qui leur seront ensuite soumis. La publication officielle devrait donc intervenir courant mai.

Plus d’un an de délai pour qu’une loi puisse entrer en application. Est-ce un délai habituel ou ce dossier présente-t-il des difficultés particulières ?

Nous arrivons à la fin des textes d’application de la loi Consommation, et il faut rappeler qu’il y en avait plus d’une trentaine à prendre.

Les indications géographiques (IG) pour les produits artisanaux et ressources naturelles constituent un dossier complexe à plusieurs titres : tout d’abord, c’est un dispositif nouveau, donc il ne s’agit pas de modifier l’existant, mais bien de concrétiser une innovation juridique. Par ailleurs, nous sommes ici dans le champ de la propriété intellectuelle, car les IG ont vocation à protéger les savoir-faire, et il faut être particulièrement rigoureux. Enfin, il faut tenir compte du droit communautaire en matière de normes, qui nous impose des règles assez strictes.

Tout cela est pris en compte et nous sommes prêts désormais, avec des textes solides.

Le couteau de Laguiole est un peu à l’origine de la création de ces IG sur les produits manufacturés. Or, il apparaît que les professionnels sont partagés. Des couteliers aveyronnais souhaitent une IG purement aveyronnaise, les couteliers de Thiers, qui fabriquent la majeure partie des Laguiole depuis longtemps, veulent être intégrés à une indication géographique du Laguiole. Que vous inspire cette situation ?

La situation historiquement complexe de Laguiole a largement inspiré le Gouvernement et le Parlement pour renforcer la protection et la valorisation des produits artisanaux et ressources naturelles de nos territoires. Les textes qui ont été adoptés visent justement à éviter qu’une telle situation ne se reproduise, et à donner aux artisans, aux industriels et aux territoires, les outils nécessaires à leur protection.

Il y a d’une part le droit d’alerte des collectivités territoriales en cas de dépôt d’une marque portant leur nom. Elles pourront ainsi s’opposer à l’enregistrement de la marque, et préserver l’utilisation commerciale de leur nom ; ce qui n’avait pas été possible, en 1993, lorsqu’un particulier avait procédé à l’enregistrement de la marque Laguiole pour certains produits. Une telle situation ne pourrait plus se produire aujourd’hui, avec les IG.

D’autre part, il y a la protection des savoir-faire des entreprises, en lien avec un territoire, pour faire reconnaître leurs produits. Les IG viennent protéger cette dénomination qui correspond à des procédés de fabrication spécifiques. Il est important pour le consommateur de savoir que le produit qu’il achète correspond aux caractéristiques attendues.

Enfin, il y a le cas particulier des noms génériques, c’est-à-dire des noms que la jurisprudence a reconnus pouvoir être utilisés par tous. La loi a innové dans ce domaine, puisqu’elle a ouvert la possibilité de créer des IG avec des noms génériques, ce qui n’est d’ailleurs pas permis dans le domaine alimentaire (IGP, AOP).

Y-a-t-il d’autres exemples de difficultés sur d’autres IG ?

Les cas les plus connus sont le Savon de Marseille et la Porcelaine de Limoges. Chaque production a ses spécificités et des acteurs de taille diverses, de l’artisan individuel jusqu’à la grande entreprise industrielle. C’est aussi ce qui fait la richesse de ces productions.

Avez-vous rencontré les différentes parties ?

Le dispositif étant stabilisé, je vais rencontrer les acteurs de ces trois productions emblématiques des IG. Nous souhaitons trouver un consensus : la loi a confié aux acteurs, réunis dans un organisme de défense et de gestion – le plus souvent une association créée pour la défense d’une production à dénomination géographique – de bâtir un cahier de charges. Nous allons donc examiner avec eux les éventuels blocages.

 

Si Laguiole et Thiers ne parviennent pas à s’entendre, est-il envisageable de voir se créer deux IG : l’une du Laguiole aveyronnais, l’autre du Laguiole de Thiers ? Serait-ce toujours conforme à la loi, dans l’esprit comme dans la lettre ?

L’esprit de la loi était plutôt de trouver des consensus pour se défendre et se valoriser à l’international. Il sera toujours possible de faire deux IG séparées, à deux conditions : ne pas avoir le même nom et avoir des périmètres géographiques différents.

Pourriez-vous être amenée à arbitrer ?

Dans ce dossier, mon rôle est d’aider les acteurs à trouver une solution. Les IG sont ensuite homologuée par l’INPI, après une enquête publique, qui démontrera que l’IG respecte les critères définis par la loi.

Il est vrai que je souhaite qu’il y ait une IG à Laguiole. Mais en tant que Secrétaire d’Etat, je souhaite aussi qu’il y ait une IG à Thiers. L’avenir nous dira s’ils le feront ensemble, ou de façon complémentaire.

Avec 22 entreprises du Patrimoine Vivant, l’Aveyron compte l’une des plus fortes densités d’EPV en France. Etes-vous étonnée d’une telle présence ?

Il y a, en effet, à ce jour, très exactement 22 entreprises aveyronnaises qui ont reçu le label Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV). Ces entreprises d’exception correspondent à 3 critères principaux : détenir un patrimoine économique spécifique, mettre en œuvre un savoir-faire rare reposant sur la maîtrise de techniques traditionnelles ou de haute technicité, être attaché à un territoire. Il s’agit donc d’entreprises, de tout secteur, qui répondent à ces critères, dans tous les territoires.

Connaissant bien les entreprises de la région et le patrimoine de l’Aveyron, je ne suis pas étonnée d’une telle présence d’EPV dans ce département. C’est pourquoi nous trouvons notamment des entreprises en lien avec les savoir-faire et la renommée du territoire : le cuir, la ganterie, la coutellerie, mais aussi la gastronomie…

Quel bilan faites-vous de ce label EPV, 10 ans après sa création ?

Les premières labellisations datent de 2006 et nous comptons actuellement environ 1250 EPV en France. Ce dispositif reconnaît l’exceptionnalité de certaines entreprises. Mais surtout, il ouvre l’accès à des dispositifs d’aide et d’accompagnement adaptés.

Avec le label, elles bénéficient d’un crédit d’impôt pour la création de nouveaux produits, de solutions de financement pour leur développement grâce à des partenariats, notamment entre l’Etat, l’Institut Supérieur des Métiers, la BPIFrance, la SIAGI, et d’un accompagnement à l’international conventionné entre la Direction Générale des Entreprises du Ministère et Business France (ex Ubifrance). Ces entreprises ont un formidable potentiel de développement et le label EPV leur ouvre de nouvelles possibilités adaptées à leurs besoins !

Ces entreprises remarquables sont-elles aujourd’hui plus visibles en France et à l’international ?

En effet, la notoriété du label est aujourd’hui renforcée, et sa présence tant en France qu’à l’étranger en témoigne. Les médias, audiovisuels, presse écrite et autres, ainsi que les sites internet et les réseaux sociaux, présentent les entreprises et les retombées du label. En France, sur le plan local, régional et national, nous souhaitons privilégier l’organisation d’évènements pour promouvoir le label. Nous souhaitons aussi le développer au niveau international. Plus de 300 entreprises ont ainsi été accompagnées ces 5 dernières années, au travers de manifestations collectives ou individuelles dans plusieurs pays, d’invitations d’acheteurs en France, de participation à des salons, etc. Par exemple, en 2014, une exposition a été organisée à Hong Kong dans le cadre du « French May ». En 2015, les EPV seront présentes pendant 6 mois sur le Pavillon de la France à Milan pour l’exposition universelle.

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