La collection jeunesse des Editions du Rouergue a 20 ans. Le graphiste ruthénois Olivier Douzou en a été l’inspirateur et le chef de bande, entouré de sacrés garnements hypercréatifs qui ont tout bousculé dans le monde de l’édition jeunesse. Et qui recommencent à faire les 400 coups.
« J’ai retrouvé mon jouet ! » Olivier Douzou l’avait perdu en 2001, après huit ans de jeu, d’aventures extraordinaires, d’inventions, de dessins et de jeux de mots. Après huit ans passés à déranger les affaires de l’édition jeunesse. Après une querelle avec les Editions du Rouergue de Danielle Dastugue. Le jouet qu’Olivier Douzou a retrouvé début 2011 n’est plus tout à fait le même que celui qu’il a contribué à construire en 1993. Les Editions du Rouergue ne sont plus tout à fait rouergates. Elles sont désormais propriété d’Actes Sud ; elles sont devenues Le Rouergue ; elles ont perdu la vache caracolant qui leur servait de logo. Olivier Douzou a retrouvé son jouet et Le Rouergue a retrouvé son enfant terrible. Lui n’a guère changé et sa récente promotion dans l’Ordre du Mérite n’a en rien statufié sa créativité. Tout au plus lui impose-t-elle quelques nouvelles mondanités. Pour le reste, Douzou est toujours Douzou, se promenant nez au vent de l’invention.
Au labo
« Après mon départ du Rouergue, j’ai été sollicité par plusieurs maisons d’éditions, explique-t-il. Quand ils me demandaient quelle serait ma ligne éditoriale, je répondais : on fera un livre si on trouve un livre de bien et quarante si on en trouve quarante de bien. A leurs yeux écarquillés, je voyais bien que ce n’était pas la réponse qu’ils attendaient. Le Rouergue Jeunesse a toujours été et reste encore un laboratoire où l’on mélange différentes disciplines artistiques, le dessin, le graphisme, l’écriture, le théâtre, le rythme… » Qui dit liberté, laboratoire et mélanges dit aussi résultats parfois détonants, toujours détonnants. Pirouettes lexicales, astuces graphiques et crocs-en-jambe narratifs sont de toutes les éprouvettes de l’équipe éditoriale.
Papiers et cartons
Sous la direction artistique d’Olivier Douzou, qui a reconstitué autour de lui l’équipe d’auteurs et de graphistes des origines (dont trois Aveyronnais d’Aveyron), redessiné le logo de l’éditeur et rajeuni le graphisme des collections, le Rouergue Jeunesse vit aujourd’hui au rythme d’une vingtaine d’albums et autant de livres de littérature jeunesse par an. Parmi les derniers albums figurent une série d’étonnants livres animés selon le vieux procédé de l’ombro-cinéma (« Ça fait un carton ! C’est le genre de succès qui vous donne des ailes, pour relancer une collection. ») Est récemment sorti, également, l’album Forêt Wood, en collaboration avec le fidèle José Parrondo. L’auteur rigole : « C’est une forme de justice que nous rendons à la forêt, pour tout le papier qu’elle nous a donné. » Pour ses 20 ans, le Rouergue Jeunesse prépare un album intitulé Lola. Lola est la petite-fille de Jojo La Mache, nom du premier album fondateur d’Olivier Douzou. C’est avec ce livre qu’avait débuté l’histoire du Rouergue Jeunesse, dont l’inventivité a marqué de son empreinte l’histoire de l’édition pour jeune public. « C’est ce que j’ai découvert, au hasard d’un livre de commande dont je dois réaliser la mise en page, une histoire mondiale de l’édition jeunesse. Le Rouergue Jeunesse y occupe une page entière ! »
Le dessin animé
Hors du Rouergue, Douzou crée aussi. Il est désormais le scénographe attitré du Salon du livre de jeunesse de Montreuil ; il vient d’être sélectionné pour réaliser une exposition à Angoulème à l’occasion des 75 ans de Spirou ; le salon de la BD de Bastia, dont il est le directeur artistique, lui consacre une exposition rétrospective ; la société Oxipido vient de lancer une application de jeux sur iPad à partir de son album Fourmi…
Olivier Douzou a encore à dire et à dessiner. « Je commence à travailler sur un concept graphique consistant à créer et décliner une marque commerciale imaginaire, dont toutes les formes de design et de packaging contiendraient des histoires. » Il y aurait aussi le grand oeuvre de Douzou : un film d’animation. « C’est long, il faut trouver les bons partenaires, mais c’est quelque-chose que j’aimerais faire. Je ne me vois pas ne pas le faire un jour ou l’autre. »